(Note: Il n'y avait aucune occultation en jeu, mais bon... c'était
néanmoins un superbe exercice d'astrométrie de dernière minute.
Au pied levé même, ce qui est encore plus fort.)
Ta "simulation de MPC" sur ta page web, donnant les éléments de
l'orbite hyperbolique géocentrique (excentricité 1.592...), est fort
intéressante.
Je me permettrai d'apporter un complément.
Tu as écrit :
> J'ai passé mes observations dans Find-Orb et déterminé mes propres
> éléments orbitaux qui montrent le périgée à 02:51:04 donc à peu
> près concordant avec la réalité à 5 minutes prés, mais la solution
> doit être améliorable..
En réalité l'impact ne se produit pas au périgée, mais assez
longtemps avant. En effet ce périgée (q = 5851.7 km d'après toi) est
à l'intérieur du globe terrestre, et l'objet heurte la surface
(l'atmosphère en fait) alors qu'il est en route vers ce périgée
d'altitude négative.
Tes élements hyperboliques me donnent l'occasion d'employer presque
pour la première fois les formules idoines de mon grimoire des
années 60.
Une heure avant l'impact, Paul Chodas, spécialiste des géocroiseurs
au JPL écrivait sur [mpml] :
> We estimate that this object will enter the Earth's atmosphere at
> around 2:45:28 UTC and reach maximum deceleration around 2:45:54 UTC
> at an altitude of about 14 km. These times are uncertain by +/- 15
> seconds or so.
A la latitude du nord-Soudan, 14 km d'altitude correspondent à une
distance géocentrique de 6390 km.
Je trouve alors que l'anomalie vraie (la distance angulaire au
périgée) était de -30.36 degrés, et que le temps du pic de
décélération (l'explosion en fait) intervenait 247.7 secondes avant
le périgée.
Tu obtiens donc pour l'instant d'explosion 02:51:04.8 - 247.7 s =
02:46:57.1 TT. Il faut encore retirer 65.2 s pour obtenir l'UTC :
il vient finalement 02:45:52 UT.
Tu tombes donc à -2 secondes de l'estimation médiane de P.Chodas !
Encore bravo !
[Il faut dire néanmoins que l'estimation de P.Chodas repose
partiellement sur tes 78 mesures. Ce n'est pas à 100 % indépendant.
Car je crois que 20 télescopes participaient, et tous n'ont pas fait
78 mesures.]
Il est intéressant de se représenter les conditions cataclysmiques
d'un tel freinage.
Le JLP précise en effet que la trajectoire d'entrée était inclinée
de 19 ou 18 degrés sur l'horizontale. Je pense que c'était plutôt 19
degrés au début et 18 degrés quelques secondes plus tard, et j'adopte
18.5 (peu importe d'ailleurs).
Comme la vitesse le long de ce trajet oblique était de 12.849 km/s
(toujours d'après mon grimoire employé avec tes éléments), l'altitude
diminuait de 4.1 km/s. D'après un modèle atmosphérique standard, la
densité de l'air qui environnait l'objet doublait chaque seconde !
On conçoit bien la puissance d'un tel freinage aérodynamique ! Même
si l'énergie cinétique ne se transformait pas en chaleur (ce qui est
bien sûr le cas), n'importe quel rocher très solide serait dans de
telles conditions réduit en miettes...
D'après Chodas le trajet atmosphérique a duré 26 secondes, et il
est probable que l'objet a assez peu diminué de vitesse avant que
l'envolée exponentielle de la décélérationn le fasse exploser (vu
que c'est un comportement très général des bolides).
Chodas considère donc une altitude d'entrée de 120 km, l'explosion à
l'altitude 14 km comme déjà dit, et cela implique une projection au
sol du parcours atmosphérique longue de 314 km (un tout petit peu
moins si la vitesse a un peu décliné).
La couloir aérien vers la Réunion et l'île Maurice a été survolé
grosso modo perpendiculairement à environ 85 km d'altitude, ainsi que
plus à l'est et à plus basse altitude la route et le chemin de fer
allant de Khartoum au lac Nasser. C'était en fin de nuit au crépuscule
nautique du matin. Je suis certain qu'il y a eu pas mal de témoins
oculaires, également en Haute-Egypte. Par exemple des touristes qui
visitent Abu Simbel et qui avaient eu le courage de se lever tôt pour
admirer le lever du jour sur le désert de Nubie ont pu en prendre
plein les yeux, le bolide passant au sud pas trop bas sur l'horizon.
Plus généralement toute la grande courbe en forme de "S" du Nil était
aux premières loges.
Voilà, voilà.
Il y a encore bien des choses intéressantes dans mon grimoire...
Par exemple l'angle des asymptotes de l'hyperbole était de 102.2
degrés. C'est beaucoup moins que 180 degrés parce que l'objet était
particulièrement lent. Ce n'était même pas très éloigné d'un angle
droit... Il s'ensuit que si l'objet avait par miracle manqué la
Terre, il aurait été lancé sur une nouvelle ellipse autour du Soleil
très différente de celle d'origine, peut-être nettement inclinée
(je ne fais pas le calcul).
Bien entendu cette nouvelle orbite autour du soleil aurait gardé une
caractéristique commune avec l'orbite d'origine : celle de recouper
le trajet terrestre à la position que la Terre occupe le 7 octobre.
PS :
Un autre truc intéressant au sujet de 2008 TC3, c'est qu'il frôlait
également l'orbite de Mars. Le hasard aurait pu faire qu'il manque la
Terre (dont il se serait rapproché à nouveau plusieurs fois), et qu'il
finisse par tomber un jour sur Mars.
Mektoub...
On peut voir la configuration animée, jusqu'à la rencontre de 2008, sur
http://ssd.jpl.
De J.Lecacheux.
Cher François Kugel,
(copie à Claudine Rinner, [aude-L] et [Meteoros])
J'ai montré il y a quelques jours que le temps d'arrivée du bolide du
7 octobre prédit une heure à l'avance sur la liste [mpml] par Paul
Chodas (du JPL) était en accord à 2 secondes près avec ton astrométrie.
J'émettais toutefois une réserve de principe puisqu'une partie non-
négligeable des données utilisées par P.Chodas étaient justement celles
que tu venais d'envoyer au MPC. Or on ne sait pas quel poids il avait
affecté tes mesures. (A la limite il aurait pu juger que c'étaient
les plus cohérentes, et, sans le dire, ne garder qu'elles...)
Il fallait donc des données d'observation de l'impact, et justement
celles-ci arrivent, puisque je viens de lire sur [meteoros], sous la
plume de Gilbert Javaux :
Quand l'astéroïde 2008 TC3 est entré dans l'atmosphère terrestre
au-dessus du Soudan, des satellites espions observaient. Sans donner les
noms, le gouvernement des USA a publié un résumé de ce qu'ils ont vu :
"Les détecteurs à bord des satellites des USA ont détecté l'impact d'un
bolide au-dessus de l'Afrique le 7 octobre 2008 à 02:45:40 UT. Les
observations initiales ont placé l'objet à 65.4 kilomètres d'altitude à
20.9° de latitude Nord, 31.4° de longitude Est. L'objet a détoné à une
altitude d'approximativement 37 kilomètres à 20.8° de latitude Nord,
32.2° de longitude Est.
http://aquarid.physics.uwo.ca/~pbrown/usaf/usg282.txt
Je reprends alors mes antiques formules en y introduisant tes propres
éléments orbitaux géocentriques, tels que tu les as postés sur ta page
web, et je trouve à la latitude +20.9, à l'altitude 65.4 km et au temps
02:45:40 UTC un rayon vecteur de 6440.8 km, une anomalie vraie de -31.67
degrés correspondant à -259.76 secondes, et un périgée virtuel (puisque
l'objet était alors détruit) à 02:51:05.0 TT.
Or que donnait ton jeu d'éléments comme date de périgée ? Oct.7.118806 TT,
soit 02:51:04.8 TT !!!
Accord parfait ! On peut prétendre sans forfanterie que les mesures du
télescope de Dauban pendant la soirée du 6 étaient vérifiées à mieux
qu'une seconde près par les satellites militaires US quelques heures
plus tard.
On en déduit aussi que le point d'impact final aurait pu être annoncé à
quelques km près. C'est sans doute la précision qu'aura un système de
surveillance futur des météorites dangereuses.
Note: on lit aussi en se reportant à l'URL ci-dessus :
The total radiated energy was approximately 4.0X1011 joule
(assumes a 6000 Kelvin black body)
Or 1000 tonnes de TNT dégagent 4X1012 Joules. Les satellites, dont je
suppose que les détecteurs sont parfaitement calibrés, indiquent donc un
impact 10 fois moins puissant que ce que les media ont annoncé. Il semble
donc que la masse de l'objet était donc de 5 tonnes seulement ! On ne
s'étonne plus que le pilote de KLM, qui se trouvait à 1 400 km, ait
rapporté un flash pas tellement spectaculaire.
Si le diamètre de l'objet était bien de l'ordre de 2 ou 3 mètres comme son
éclat loin de la Terre le suggérait, sa densité était proche de l'unité
(voire moindre), et il devait s'agir d'un débris cométaire dégazé.